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28 février 2010 7 28 /02 /février /2010 02:33
Portrait de libraire (4)

Comme beaucoup de librairies anciennes, celle que les Rémois appellent toujours « Guerlin » fut d’abord à la fin du XIXème siècle une imprimerie, puis une papeterie, avant de devenir la boutique que l’on connaît aujourd’hui place d’Erlon. Après un bref épisode au sein de Privat, elle intègre en 2005 l’enseigne Chapitre, du groupe Bertelsmann. « Même si cette affiliation à une chaîne commerciale induit des actions communes (promotions en papeterie, achats groupés via les envois d’office des éditeurs notamment), chaque librairie demeure libre d’effectuer des choix. » précise la nouvelle directrice qui règne sur la librairie depuis cette année, Christine Risovics, secondée par Jackie Weiss.
« Ce n’est pas tant la crise dont pâtissent nos ventes, mais surtout les ventes de livres sur internet : actuellement, elles ne constituent que 5% des volumes, mais leur croissance est exponentielle alors que celle des ventes en librairie stagne. Aujourd’hui, acheter un livre en librairie, ou même le commander, devient presque un acte militant pour préserver le commerce de proximité. »
… Et la possibilité pour les libraires de créer des succès hors des grosses machineries médiatiques et éditoriales, au gré des choix de ces passeurs de papiers que sont les responsables de rayons, aiguilleurs de pages pour les clients désorientés face à la masse de l’offre. Mais la marge de manœuvre des libraires demeure réduite, puisque la règle des 20-80% s’applique aussi aux livres : 80% des ventes sont assurées par 20% des auteurs seulement. Des best-sellers qui ne laissent pas toujours aux œuvres plus travaillées littérairement la visibilité nécessaire pour exister.  



Publié dans l'Union sous nom marital en juillet 2009
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28 février 2010 7 28 /02 /février /2010 02:29
Portrait de libraire (3)


Depuis trente ans qu’elle existe, La Belle Image a toujours été un lieu où la littérature s’épanouit comme une plante au soleil. Bonheur de lire et gai savoir. Entre rire et lire, une seule lettre change. 


Rarement plus qu’ici, les rayons d’une librairie auront mieux mérité leur nom : car ils rayonnent littéralement de l’enthousiasme lumineux d’Anne-Lise qui en a repris le flambeau en 2002. 
Quand, pour ceux que la lecture intimide, les étagères de livres ressemblent aux ombres inquiétantes d’une forêt énigmatique, ce serait plutôt ici à un jardin que l’on songe, où l’on vient butiner de quoi faire son miel, ricochant de roman en recueil. 
«  On ne peut pas se plaindre de la crise : nos clients sont des passionnés de littérature, et leur budget livres reste incompressible. En revanche, ce qui menace une librairie indépendante, ce sont les ventes sur internet et les attaques réitérées des gros vendeurs, notamment de M-E. Leclerc, contre le prix unique du livre fixé en 1982. Avec leurs volumes, ils peuvent se permettre de réduire les marges. Mais en Angleterre où le prix unique a été supprimé en 1995, il a suffi d’un an pour que les librairies indépendantes disparaissent. Et une fois que quelques géants se sont débarrassés de la concurrence des petits, ils ont le monopole des ventes et s’entendent ensuite entre eux pour augmenter les tarifs au détriment des consommateurs. Ainsi le prix du livre a-t-il grimpé en Grande-Bretagne de 49.6% quand l’inflation générale était de 27% ! Et sans librairies indépendantes, les petits éditeurs meurent aussi, et l’industrie du livre se voit réduite aux manuels de cuisine et aux recettes minceur : la véritable littérature s’étiole. Or il y a des romans  faciles à lire qui sont pourtant bien écrits, et dont on se souvient plus que de récits commerciaux sans style.» 
 
La Belle Image, ou l’amour des Belles Lettres.



Publié dans l'Union sous nom marital le 27 juin 2009
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28 février 2010 7 28 /02 /février /2010 02:24
Portrait de libraire (2)

 Chez Rose et son roman, librairie, salon de thé et galerie d’art, on déguste des livres au parfum de bons thés. Ou comment étancher sa soif de beauté. 

Boire les paroles d’un grand écrivain tout en savourant les arômes ambrés du chaud breuvage. Se délecter de ses lectures dans les moelleux fauteuils de « Rose et son roman ». Thé, café, papier : des pages et des arômes. Une image du bonheur rehaussée par la présence chaleureuse de l’hôtesse de ces lieux chaussés de bois, meublés de noir et vêtus de blanc.
« Par manque de place, il faut choisir. » Mais n’interdire aucun domaine. Quelques articles de papeterie coquettement choisis, des boîtes de thé, des tableaux, et des livres. Les bestsellers ne sont pas plus prohibés que la littérature moins commercialement volumineuse. On trouve même quelques discrets mais assumés décimètres réservés à l’Enfer. « Tout le monde a le droit de lire, que ce soit Proust ou Marc Lévy » affirme avec une souriante conviction Mme Lemarié. Epouse du professeur de philosophie qui enseigne à RMS, colonne vertébrale des Rencontres Passerelles et, pendant des années, des « Classes de philo » (ouvertes à tous comme l’Université populaire d’Onfray à Rouen), la créatrice de cette jeune librairie a déjà accueilli de nombreux auteurs dans leurs séances de dédicaces : Elie Wiesel à l’occasion du Salon du Livre, J-F Kahn, Jean d’Ormesson, Jean Teulé,… 
Et le nom ? « J’ai exercé avec bonheur le métier de sage-femme, et fus donc vêtue et entourée de rose durant toute ma carrière. A ma retraite, inenvisageable de rester sans rien faire. En mars 2008, j’ai donc repris l’ancienne librairie universitaire qui, bien que rénovée, a conservé son âme. « Rose et son roman », en inversant le titre du célèbre roman d’Umberto Eco, fait la synthèse des deux univers de ma vie. »
La greffe a pris. « Je reçois sans cesse des artistes désireux d’exposer. A tel point qu’il me faudra réduire la durée d’exposition de deux mois à un seul. »
Un domaine de prédilection ? « La littérature asiatique, Inoué par exemple. » Par goût littéraire, et par histoire personnelle. « Mon grand-père, venu en France comme soldat pendant la Première Guerre Mondiale, y rencontra ma grand-mère. Bien qu’ayant toujours vécu ici, je suis restée attachée à ces origines sud asiatiques. » 
Invitation au voyage, sur un nuage de lait. Ou bien sans.




Publié dans l'Union sous nom marital  le 24 juin 2009
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28 février 2010 7 28 /02 /février /2010 02:20
Portrait de libraire (1)


 Il eût tout de même été surprenant de clore une année d’actualité culturelle, même locale, sans parler de livres. Ni de ceux qui les font vivre, les libraires. Galerie de portraits.

A la Procure, on ne se contente pas de vendre des livres, on les aime et on les lit, comme le prouvent la fidélité enthousiaste des clients et les nombreux cartons colorés où les notes manuscrites attirent l’œil sur les coups de cœur de la maison. Et les goûts éclectiques dont ils témoignent montrent à qui en douterait encore que La Procure Largeron est avant tout une librairie ouverte sur toute littérature, et non « une pieuse droguerie pour âmes pâles » où trônerait une « espèce de sacristain », selon la formule que Georges Bernanos employa en 1925 dans une lettre à un ami pour narrer sa vaine quête d’un stylographe à Reims. Mais que les anticléricaux primaires se rassurent : depuis le début du siècle dernier, la librairie adossée à la place du Chapitre a bien évolué. Seul le premier étage concerne le rayon religieux, et il est tout à fait possible aux éventuels allergiques d’ignorer un niveau en parcourant l’autre.
Car l’amour pour la littérature y est palpable, et les libraires sont avant tout lecteurs. Au moins ne sera-t-on pas dépourvu quand l’été sera venu de ne pas trouver livre à son goût, car chacun des passeurs de papier qui animent les rayons parle avec passion de ses domaines de prédilection. Ainsi pourrez-vous explorer sur les conseils de M. Delanglez le vaste continent de la littérature américaine (James Lee Burke, Dennis Lehane,…), sentir le feu sous la glace qui innerve les romans suédois (Le Mec de la Tombe d’à côté, de Katarina Mazetti, chez Actes Sud) ou vous immerger dans La Trilogie Berlinoise de Philip Kerr conseillée par Joachim. Sans oublier le rayon jeunesse animé par Elodie.
Preuve supplémentaire de dynamisme : les séances de dédicaces, les soirées Contes de Noël ou la participation au Salon du Livre.
Mais les sages rayons deviennent aussi depuis dix ans le théâtre de joyeux banquets où se réunissent, à l’occasion de Lire en fête, les membres d’A la page, l’association des amis de la librairie, mêlant nourritures terrestres et jeux littéraires, jonglant entre bons mots, mets fins et grands vins.


Publié dans l'Union sous nom marital le 20 juin 2009
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28 février 2010 7 28 /02 /février /2010 01:05

La culture, ce n’est pas toujours courir après l’actualité, se ruer de concerts en expos. La culture, c’est aussi ce qui résiste aux modes, ce qui est hors du temps, ce qui reste quand on a fini de se hâter.


En mai, lis ce qui te plaît. Pourquoi donc faudrait-il toujours plier ses curiosités aux impératifs de ce qui vient de sortir, de ce qui vient de paraître, et disparaîtra souvent aussi vite qu’il est apparu ? Alors voilà, aujourd’hui, ce n’est pas l’actualité culturelle qui dicte le sujet : c’est l’air fleuri de la saison et les pâquerettes du gazon. 
Car il faudrait certes beaucoup d’abnégation pour avoir envie de s’enfermer dans une salle obscure quand le ciel offre un terrain de jeu si accueillant aux vocalises des oiseaux. Et pour donner une caution culturelle à cette contemplation bucolique qui a toujours inspiré les poètes avant même les Géorgiques de Virgile et le thème de la « Reverdie » au Moyen Age, et bien loin de l’instauration ministérielle du « Printemps des Poètes », on aura soin de se munir d’un mode d’emploi adéquat, où l’on vous explique qu’il est normal que nulle lecture ne résiste pas à la concurrence déloyale que lui livrent le vert translucide d’un feuillage qui danse au rythme de la brise et la virtuosité des merles. Or l’auteur qui sait le mieux capter le plus infime frémissement de la nature dans ce qu’elle a de plus humble et de plus touchant, c’est Christian Bobin. 
Cet orfèvre de la métaphore vit toujours au Creusot où il est né en 1951, loin de l’agitation parisienne et des mondanités. Isolé des autres, réuni au tout, il contemple la beauté des choses, sans crainte d’être moqué par les snobs qui ne jubilent jamais autant que dans le mépris de ce qu’ils ne comprennent pas. 
La plume de Christian Bobin, c’est avant tout un regard, celui de l’artisan solitaire et solaire dont l’œil et la main travaillent en chœur : « Quand je me penche sur une phrase pour la polir, le monde n'est plus qu'un duvet d'oie volant dans la chambre. » Ou encore : « Un seau rempli de lumière. On le renverse d'un seul coup sur le carrelage de papier blanc. »
Philosophe sans dogme, il forge néanmoins la « théorie du brin d’herbe » : « Je me nourris de ce que le monde néglige. Je prends conseil auprès de ces choses sans valeur. Je prends conseil et je prends soin. J'écris. […] Les brins d'herbe passent leur temps à ça : danser au moindre prétexte et remercier pour les grâces chaque jour reçues. » (Autoportrait au radiateur)



Une bibliothèque de nuages

Ce titre de recueil pourrait à lui seul définir son œuvre complète, comme la Comédie humaine pour Balzac ou les Rougon-Macquart pour Zola.
Publié dans la prestigieuse collection blanche NRF de Gallimard, Christian Bobin n’en délaisse pas pour autant les petites maisons d’édition qui l’ont fait connaître et qui confectionnent de somptueux petits ouvrages sur un papier qui appelle autant la caresse du regard que celle des doigts : Fata Morgana, Lettres Vives, Le Temps qu’il fait, etc…
Les titres seuls de ses œuvres sont tout un programme : De la Part manquante à la Présence pure, du Très Bas à la Lumière du Monde, de l’Inespérée à la Plus que vive, de Souveraineté du Vide à L’Enchantement simple, de Mozart et la pluie à l’Autoportrait au radiateur, ils déclinent une présence au monde qui caractérise ceux dont on dit au contraire qu’ils en sont absents : les distraits qui savent voir ce qui échappe à la vision parcimonieuse et crispée du consommateur, ceux qui sont ailleurs que dans la course sourde et myope au toujours plus.
« Ma vie est bien plus belle lorsque je n'y suis pas » confie-t-il dans son Autoportrait au radiateur.


Publié dans l'Union sous nom marital le 2 mai 2009
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27 février 2010 6 27 /02 /février /2010 23:45

Ce vendredi 3 avril, comme tous les mois ou presque depuis huit ans, le Centre Culturel de Tinqueux organise une soirée « Dithyrambes ».
Dans la Grèce antique, un dithyrambe était un poème dédié à Dionysos, le dieu du vin. Puis l’ivresse de son propos s’est peu à peu affranchie de la vigne qui en était à l’origine, et désigne un éloge vibrant, ou plus largement l’expression d’un enthousiasme sans borne. Mais la Maison de la Poésie de Tinqueux restitue son origine dionysiaque au terme, puisque la soirée accueille, outre deux illustres poètes, un « vigneron surprise » qui permettra à l’auditoire de déguster en même temps vers en rimes et verres de vigne. Il s’agit de faire mentir Musset qui affirmait avec désinvolture : « Qu’importe le flacon, pourvu qu’on ait l’ivresse » en soignant le goût de la langue, tant à travers les papilles que les oreilles. (Un minimum de modération sera requis pour ne pas se tromper de réceptacle.) 
   Michel Fréard, directeur du Centre Culturel et de la revue poétique trimestrielle « Dans la Lune » qui y est basée, précise les enjeux de l’entreprise : la revue, destinée aux « 5 à 117 ans » est liée au « Centre de Créations pour l’Enfance ». Il s’agit de sortir la poésie de la diffusion trop confidentielle qui lui est réservée dans la littérature contemporaine et de lui restituer la place qui lui est due dans le monde de l’enfance ; de « décaraméliser » la poésie telle qu’on la fait trop souvent découvrir à l’école, de la débarrasser de la niaiserie douceâtre et insipide dont les poèmes de Maurice Carême sont trop souvent l’emblème : comment s’étonner ensuite que ceux qui ont cru que poème rime avec carême aient envie de s’en faire une fête et retournent plus tard y goûter ?
  L’émotion poétique est pourtant tout autre chose qu’une gentillette récitation : il faut que le verbe exulte pour que l’étincelle jaillisse entre public et poète.
Ce vendredi, deux invités seront chargés de faire surgir les lumières de la création poétique : Bernard Bretonnière, né et établi à Nantes mais collaborateur et lexicographe attitré de la revue aquatintienne, manipule les mots entre inventaire et invention, et navigue avec aisance dans le théâtre contemporain. 
Et Pierre Tilman, Sétois comme Paul Valéry et Brassens, est l’auteur d’une trentaine de recueils, dont « Rendez-vous, vous avez les yeux cernés » dit à lui seul combien il aime savourer les richesses insoupçonnées des mots. Mais il ne se contente pas de les écrire : il les façonne aussi au sens propre, et accomplit un travail de plasticien inséparable de son œuvre de poète : clouant, collant, sciant, dans un rapport à la matière dont le prive trop souvent l’outil désormais incontournable pour un écrivain qu’est devenu le clavier d’ordinateur.


 Publié dans l'Union sous nom marital le 1er avril 2009
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27 février 2010 6 27 /02 /février /2010 23:29

Après avoir célébré début 2004 les poètes du Grand Jeu, Reims déploie en ce printemps des poètes 2009, 101 ans après sa naissance, tout un arsenal de manifestations pour sortir d’un oubli immérité le plus brillant d’entre eux : René Daumal. Ce « perpétuel incandescent » (titre d’un ouvrage collégial publié à son sujet) ne se contente pas, dans sa brève et fulgurante existence tendue entre les deux guerres (1908-1944), d’avoir fondé « ce mouvement de l’avant-garde que convoitèrent les surréalistes dès 1928, lorsqu’en perte de vitesse, ils comptaient en leurs rangs plus de peintres que de poètes » selon les mots d’Olivier Penot-Lacassagne, spécialiste d’Antonin Artaud et du Grand Jeu. « Daumal refuse cette récupération, et poursuit une quête spirituelle loin des embrigadements politiques, par une écriture entre rupture et ésotérisme. C’est un mystique, un grand poète, aussi puissant que Rimbaud, mais qui, à la différence de l’auteur du Bateau Ivre, mène sa vie et son œuvre avec une rigueur ascétique. Un penseur majeur reconnu par ses contemporains qui, à 23 ans, avait rédigé une traduction d’œuvres essentielles du sanskrit qui fait autorité aujourd’hui encore, et qui figurait, à moins de 25 ans, dans un Dictionnaire des grands philosophes de son époque.» 
Et les Rémois ont l’insigne chance de pouvoir (re)découvrir cette œuvre injustement méconnue du grand public : grâce à l’exposition richement documentée qui lui est consacrée à la Bibliothèque Carnegie depuis un mois déjà dans la plus grande discrétion (pas une affiche ne signale la présence en ses murs de ces précieux manuscrits !) et grâce aux deux lectures et conférences proposées mardi et mercredi prochains à la Médiathèque Falala par Philippe Vaillant : « René Daumal est habité d’une quête spirituelle qui le mène à la connaissance de la philosophie orientale. » S’il multiplie les expériences les plus diverses pour accéder à un niveau supérieur de connaissance, « il a su, dès 1930, alors que d’autres y sombraient,  rompre avec la consommation des drogues courantes dans le milieu de l’avant-garde». « Je veux être victorieux de l’être » écrit, consumé par son œuvre, sa quête mystique, et la tuberculose qui l’emporta à 36 ans, ce poète dont Bob Dylan s’inspira.

 
A la Médiathèque Falala, face à la Cathédrale : Mardi 24 mars à 18h30, « Poésie noire, poésie blanche », poèmes de René Daumal interprétés à la voix et la guitare par la Compagnie des 3 Mondes. Mercredi 25 mars à 18h30 : conférence de Philippe Vaillant sur « La vie et l’œuvre de René Daumal. »
A la Bibliothèque Carnegie, l’exposition « René Daumal, l’ascension continue » se poursuit jusqu’au 2 mai 2009. Entrée libre. Tél : 03.26.77.81.41.
Sans oublier ce samedi 21 mars à 14h30, toujours à la Médiathèque Cathédrale, la prometteuse plongée dans « La Divine Comédie » à travers gravures, sculptures et fresques : « Dante, de l’enfer au paradis », film de Thierry Thomas qui analyse en beauté et en images le chef d’œuvre du poète florentin.
Article paru dans l’Union sous nom marital le 21 mars  2009
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27 février 2010 6 27 /02 /février /2010 22:50
Une poésie plus près du cri que de l’écrit


Un peu partout en France fleurit le printemps des poètes. A Reims, c’est le slam et la poésie sonore qui sont à l’honneur. Point d’orgue de la semaine de la langue française, ce samedi 14 mars aura lieu la nuit du slam à la Médiathèque Falala et à la Cartonnerie, en présence de l’un de ses précurseurs dans les années 1980, Mark Smith. 
Mais en marge de ces feux de la rampe, se déroule plus discrètement, à la Bibliothèque Robert de Sorbon, une série de deux conférences. La première, jeudi 12 mars, était présentée par Isabelle Krzywkowski, maître de conférences à l’Université de Reims. La seconde, ludique et interactive,  intitulée "Le signe phonophore ? La mise en page de la voix", sera animée par Elodie Hemmer, enseignante à l’IUT de Reims. 
 
La poésie sonore est un mouvement littéraire assez confidentiel qui ne se contente pas d’obéir à la maxime de Verlaine « De la musique avant toute chose. » mais pousse cette contrainte jusqu’à retrouver le bruit derrière le son, le cri derrière le mot, à privilégier le rythme sur la mélodie. 
Il s’agit d’affranchir le langage de deux esclavages : l’écrit, et la communication. 
De la communication, en inventant une poésie « pure » qui "libère" le langage de son statut subalterne de simple outil de communication, d’"esclave" du sens, qui condamne comme Mallarmé « l’éternel reportage », le langage insipide qu’on oublie dans le flot continu des bavardages.
Et de l’écrit, car dès l’invention du phonographe au tout début du XXème siècle, Apollinaire avait pressenti que le livre pourrait être supplanté par le disque. Les travaux de Bernard Heidsieck, originaire de Reims, ou d’Albert-Birot, utilisent donc les techniques de l’enregistrement pour tirer de la voix, en deçà du sens, toutes ses potentialités : lectures superposées, borborygmes, onomatopées,… 
Comme beaucoup d’avant-gardes, ce courant se détermine en grande partie contre ce qui le précède : contre la poésie romantique, contre l’utilisation du langage à des fins de propagande.
 Là semble aussi sa limite. Est-ce parce que le langage a servi et sert encore aux idéologies à imposer un discours officiel perverti qu’il faut le vider de son sens ?  Un peu comme le père de « la Belle qui ne dormait pas encore au bois », qui, craignant que sa fille ne se pique à la quenouille comme l’avait prédit la sorcière, fit brûler toutes celles du royaume, et n’empêcha en rien, comme on le sait, la malédiction de s’accomplir. Ce n’est pas en détruisant les moyens qu’on empêche une mauvaise volonté d’arriver à ses fins. Par une politique de la terre brûlée, on malmène la langue sous prétexte qu’elle a servi aux idéologies mortifères pour imposer leur propagande malsaine. Et après ? La barbarie a-t-elle attendu l’élaboration du langage pour exister ? 
Et la poésie sonore demeure, ainsi qu'une partie de ce qui se fait en art contemporain ou en musique concrète, du domaine de la recherche plus que de l'art : fructueux, à la marge, au sens expérimental et conceptuel, permettant aux universitaires avides d'inédit de défricher de nouveaux champs d'étude : mais est-ce pour autant de l'art ? On se souvient encore aujourd'hui de "l'aurore aux doigts de rose" d'Homère, des alexandrins de Racine et de Corneille, et il n'est pas certain que les entreprises de déconstruction soient vouées à la même postérité que les oeuvres des "bâtisseurs".

Plus d'informations sur les sites suivants :  http://ubu.com/ ou http://tapin.free.fr/
 
Publié dans l'Union sous nom marital le 14 mars 2009
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27 février 2010 6 27 /02 /février /2010 21:47

 En avance sur le Printemps des poètes, depuis ce mardi et jusqu’au 2 mai 2009, la Bibliothèque Carnegie consacre une exposition à René Daumal, poète rémois du Grand Jeu qui traversa sa vie comme une comète. 
Un tiers de siècle entre deux guerres.

On a beau dire, l’humaine condition y échappe rarement : c’est hélas bien souvent dans la douleur que l’on enfante, et que les guerres engendrent des chefs d’œuvre. C’est ainsi sur les décombres de la Première Guerre Mondiale que Reims se reconstruisit pour faire fleurir l’Art Déco, et que nombre de mouvements artistiques naquirent de la conscience de l’horreur et de son absurdité. 
Ce fut le cas du surréalisme et de son avatar rémois, le simplisme, à la fois proche et distinct. En 2004, l’ensemble des structures culturelles de la ville organisèrent des manifestations pour sortir d’un oubli immérité ce groupe de jeunes poètes rémois qui se rencontrèrent dès le lycée et fondèrent en 1928 la revue qu’ils intitulèrent « Le Grand Jeu ».
 
L’un d’eux, René Daumal aurait eu 101 ans en mars prochain, mais comme à tant d’esprits précoces et bouillonnants, le tiers de siècle lui fut fatal, puisqu’il s’éteignit à 36 ans de la tuberculose, au printemps 1944. Une brève existence déployée fébrilement entre deux guerres, à la recherche d’un « dérèglement de tous les sens » selon l’expression de Rimbaud, né comme lui dans les Ardennes et comme lui poète dont la quête d’absolu ne lui permit aucune compromission à la tiédeur du réel, y compris une morne longévité. 
Adepte des expériences extrêmes et de diverses substances destinées, comme l’opium, à ouvrir des champs de perception insoupçonnés des « gens normaux », René Daumal conçoit, comme ses compagnons d’écriture, l’inspiration littéraire et artistique comme une pratique quasi-divinatoire, traquant, telle une Pythie au milieu de ses fumées éthérées, les signes incantatoires qui lui permettent de trouver la pierre philosophale du génie, enfouie sous les strates du subconscient dont la psychanalyse vient juste de découvrir l’existence.
Il y a bien sûr dans cette œuvre et dans la posture du personnage, toute la rébellion d’une jeunesse en révolte contre la génération de ses pères, partis comme un seul homme se faire égorger dans les tranchées aussi docilement que le troupeau à l’abattoir. C’est donc par provocation que le groupe s’affubla du nom de « simplisme », en réaction à la remarque désobligeante de leur professeur de philosophie, le futur ministre collaborationniste Marcel Déat.  

Ce passage dans l’histoire aussi bref que riche vaut qu’on le redécouvre. Mais il faut le savoir : nulle affiche n’indique de l’extérieur l’existence de cette exposition qui mérite pourtant le détour, ne serait-ce que par la présence de manuscrits, cette espèce émouvante en voie de disparition, et des panneaux explicatifs fort complets.

Article paru dans l’Union sous nom marital le samedi 21 février 2009
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Anne Paulerville

  • : La danse du sens
  • : Ce site est un book en ligne où sont archivés la plupart des deux cents articles publiés dans la presse depuis octobre 2008. La consultation par catégories facilite la lecture.
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Il paraît que le sens peut danser sur les mots


Ceci est un book en ligne. Y sont archivés la plupart des deux cents articles publiés dans la presse depuis octobre 2008, toujours au minimum une semaine après leur publication, afin d'y être consultés si besoin est.
La lecture par catégories facilite l'approche.

Nota bene
Ces textes furent rédigés pour une presse dite populaire : la prise en compte du lectorat limite donc l'usage des références culturelles et des figures stylistiques.



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